Elles font bouger l'Europe - Interview de Marianne Leloup

1. Quel a été votre parcours pour parvenir jusqu’aux fonctions que vous occupez actuellement ? 

Alors j’ai eu trois carrières, la première : j’ai été avocate d’affaire en grand cabinet à Paris et à Rome. La seconde : j’ai été directrice de l’ONG de Jacques Attali «Positive Planet» à Londres, où j’ai fondé et dirigé le bureau anglais del’ONG pendant 4 ans, et en parallèle j’ai fondé avec un associé, José Farinha, un photographe portugais, un projet qui s’appelle the Odyssey Project et qui promeut les initiatives positives de demandeurs d’asile en Europe et au Moyen-Orient. Et donc, ensemble pendant plusieurs années, on a documenté des initiatives telles que des entrepreneurs, des associatifs, des artistes, qui étaient demandeurs d’asile, parce qu’on voulait changer le narratif sur le sujet, et donner à ces communautés ce qu’on appelle en anglais des role modfffffels, et donc en tant que femme, donc appartenant à une minorité, je savais l’importance d’avoir des role models qui nous ressemblent, auxquels s’identifier pour pouvoir avoir l’espoir et se révéler, créer sa carrière. 

Et donc quand je suis revenue à Paris il y a quelques années je me suis de- mandé ce que j’allais faire pour ma troisième carrière, et j’ai décidé de concilier mes deux premières carrières, donc l’avocature d’un coté, et les migrants de l’autre. C’est comme ça que j’ai décidé de lancer mon propre cabinet, le cabinet Leloup, qui est spécialisé en droit des étrangers, je fais à la fois de l’asile, du séjour, et de l’éloignement, des régularisations, donc tout ce qui concerne les étrangers qui vivent en France. 


2. Quel a été votre parcours pour parvenir jusqu’aux fonctions que vous occupez actuellement ? Et avez-vous senti, au cours de votre carrière, que le fait d’être une femme pouvait constituer un obstacle, ou à minima avoir une influence sur votre parcours ? 

Dans ma carrière, j’ai eu effectivement à gérer le fait que j’étais une femme, de plusieurs manières, bon déjà quand j’ai commencé ma carrière dans les cabinets d’affaire, voilà il y a un machisme qui est omniprésent, en tant que jeune femme, on va constamment être ramenée à notre physique, et ça c’est dans le meilleur des cas, et dans le pire des cas, il y a des allusions assez graveleuses, pas très agréables. 

De manière générale, même encore maintenant dans ma vie professionnelle c’est encore un vrai sport de devoir éviter des propositions que l’on ne souhaite pas, tout en ne détruisant pas totalement la relation professionnelle parce qu’on en a besoin en fait pour vivre tout simplement. 

Voilà, donc c’est un peu un sport d’équilibriste à la fois de ne pas donner un espoir qui serait malvenu tout en arrivant à se préserver et à avoir la paix.
J’ai également eu des difficultés à concilier ma vie professionnelle et ma vie personnelle, comme beaucoup de jeunes femmes, j’ai fait des choix de carrière qui ont clairement beaucoup été dictées par ma vie personnelle, et j’ai aucun regret maintenant parce que je suis très heureuse de la carrière que j’ai à l’heure actuelle, mais c’est pas les choix que j’aurais dû faire, clairement. 


3. Comment avez vous dépassé ces obstacles ? 

La manière dont j’ai dépassé ces obstacles : en travaillant, clairement. En étant passionnée par ce que je fais; je pense qu’on ne peut pas mieux travailler que lorsqu’on est passionné par ce qu’on fait. Je pense qu’il faut être une machine, avoir un objectif clair, et ensuite construire un plan, une stratégie, et se dicter les étapes pour y parvenir et les suivre, tout simplement. 

Après, en tant que femme, je pense que c’est un discours que l’on entend pas beaucoup, mais je pense que vieillir pour une femme, c’est quelque chose de fabuleux. J’ai 36 ans aujourd’hui, et pour tout l’or du monde je ne retournerais pas à ma vingtaine, parce que ces années d’expérience et de maturité m’ont tellement appris, donné tellement confiance en moi et dans ce que je suis ; je ne laisserai plus jamais quelqu’un me traiter comme on a pu me traiter dans ma vingtaine. 

Vieillir pour une femme, ça peut être quelque chose de très beau, de très constructif, donc on peut être une femme forte et puissante. 


4. Quel conseil pourriez-vous donner à une jeune femme qui craindrait de se lancer dans ce secteur ? 

Mes conseils aux jeunes femmes qui voudraient se lancer dans le même secteur que moi, ou qui de manière générale réfléchissent à leur carrière ; mon premier conseil c’est d’être indépendante, de penser à vous, et de faire les choses pour vous. En tant que femme, on a tendance à s’auto-limiter, c’est à dire qu’on a tendance quand on nous propose une position à la décliner si qu’on pense qu’on est pas légitime, là ou un homme (toutes les études le montrent) va dire oui, une femme aura tendance à dire non. Donc dites oui à toutes les propositions, et puis on verra ! Avec du travail, avec de la passion, vous y arriverez. 

Mon deuxième conseil : une fois qu’on a dit oui à toutes les propositions, il faut aussi apprendre à dire non. Sion veut bien gérer sa carrière, et ne pas nuire à notre santé et à notre bonheur, parce que c’est quand même ça le but à la base, parfois on doit arrêter de faire certaines choses, pour pouvoir en faire des nouvelles. En tant que femme, dans une société ou on nous apprend plutôt à satisfaire tout le monde, on peut avoir du mal à dire non. 


5. Pour vous, quels grands axes l’Union européenne devrait explorer à l’avenir ? 

Les grands axes de l’UE dans les années qui viennent, je pense que ça doit être l’aspect social, et la lutte contre les inégalités. Le second volet, c’est l’aspect environnemental, on voit bien avec la pandémie actuelle l’impact et le coût de la détérioration de la planète, l’impact économique, mais aussi l’impact social, et surtout, moi en tant qu’avocate, sur nos libertés. Ce qu’on est en train de vivre, à l’heure actuelle, en termes derestriction de nos libertés, et de détérioration de notre cadre de vie est une annonce sur ce qui va arriver dans les prochaines décennies, et qui sera les conséquences de la détérioration de l’environnement. 

Le troisième sujet qui est l’un des défis que l’UE va devoir relever dans les années qui viennent, c’est celui de l’accueil des populations migrantes, il est lié à l’aspect environnemental, puisqu’on sait que dans les années qui vont venir, on va devoir gérer des populations de réfugiés climatiques, voire nous serons nous-mêmes des réfugiés climatiques, nous européens. Donc je pense qu’il est essentiel qu’il y ait une harmonisation enEurope sur la thématique de l’accueil, et bien évidemment, que nos politiques aillent plus en faveur des droits de l’hommes, et un peu moins envers les politiques que peuvent mener par exemple Monsieur Orbanen Hongrie. 


6. Quelles sont les valeurs clés que vous souhaiteriez voir portées par ses représentants ? 

Les valeurs clés qui doivent être portées par l’UE selon moi : les libertés, de solidarité, de résistance envers toutes ces montées extrémistes voire fasciste qu’on voit partout dans le monde et y compris dans l’UE, et surtout j’aimerais qu’on en revienne à ce mot qu’on a tendance à oublier, mais sur lequel la construction européenne s’est faite; dans union européenne il y a avant tout le mot union. J’aimerais qu’on revienne à ce terme d’union. Qu’on se souvienne qu’on est là pour se rassembler : des êtres humains représentés par desEtats nations ont décidé de s’unir pour construire un meilleur avenir, que ce soit avec le marché commun, ou pour la promotion de la paix et des droits de l’Homme. 

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Résumé
En Europe, les écarts entre les femmes et les hommes restent très présents. Si les femmes sont légèrement plus éduquées que les hommes, l’écart se creuse considérablement dans le milieu professionnel, milieu d’action et d'influence. Ces conditions ne semblent pas faciliter la tâche des femmes qui souhaitent agir et décider pour construire l’Europe de demain. C’est pour cela que EuropaNova a décidé de créer le conseil scientifique des femmes qui agissent pour l’Europe de demain. Ecologie, finances, entreprises, professions académiques ou encore institutions nationales et communautaires…. Partout, de nombreuses femmes se hissent au plus haut niveau de décisions, il est important de valoriser leur action. “Elles font bouger l’Europe” est un programme à la fois d’études et d’actions, menées par et avec l’aide d’étudiants et de doctorants du réseau d’Europanova, qui fait le choix de mettre en valeur les profils féminins qui agissent en Europe et pour l'Europe.
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