La stratégie de la fourche à la fourchette qui est la principale déclinaison du Green Deal en matière agricole et alimentaire a clairement posé l’objectif d’une réduction de l’utilisation des pesticides de 50% d’ici à 2030, et dans le même temps une augmentation des terres en agriculture biologique jusqu’à 25%.
Ce sont des objectifs ambitieux que je soutiens totalement, ils vont enfin dans la bonne direction et doivent être les premiers jalons de réforme plus profonde encore. Seules 8,5% des surfaces sont «Agriculture Biologique» actuellement mais elles sont indispensables tant la réduction de l’usage des pesticides est un sujet de santé prioritaire pour les consommateurs que nous sommes tous. C’est aussi une question importante pour les agriculteurs qui en tant qu’utilisateurs en sont les premières victimes, on a trop souvent tendance à l’oublier. Je relève d’ailleurs que le Plan européen anti Cancer présenté au début du mois de février reste très peu précis sur le sujet des pesticides, il n’en dit même rien s’agissant de l’exposition sur le lieu de travail, je le regrette !
Le règlement 1107/2009 définit en effet les substances de base et les substances à faible risque pour alléger les procédures voire donner des dérogations à des substances qu’on appelle aussi «peu préoccupantes» comme le purin d’ortie ou des décoctions à base de prêles. Cela a été une première étape, mais cela reste une définition en creux : nous avons besoin maintenant de prendre à bras le corps le sujet des produits de biocontrôle au niveau européen.
La Commission a annoncé sa communication pour le développement de l’agriculture biologique pour le 31 mars 2021, j’espère qu’une attention particulière sera donnée au développement des procédés de biocontrôle comme les pièges à phéromone pour certains insectes ou les cultures de bactéries qui permettent de contrôler certains champignons ravageurs des cultures. Je note que les entreprises du secteur ont largement investi le secteur du biocontrôle depuis une dizaine d’années, c’est une bonne chose, mais je considère que certaines procédures sont trop lourdes voire conduisent à des impasses pour certaines substances qui devraient pourtant permettre de réduire significativement l’usage des pesticides de synthèse dans les prochaines années.
Les principaux freins à la réduction des pesticides de synthèse sont bien connus. L’erreur serait de considérer qu’il ne s’agit que de substituer des pesticides de synthèse par des produits de biocontrôle. Il faut au contraire avoir une compréhension globale de la situation et bien comprendre les raisons d’une dépendance qui n’en est plus une dès lors qu’on se donne les véritables moyens de réussir la transition agroécologique de l’agriculture européenne.
En premier lieu, il faut bien comprendre que si les agriculteurs utilisent des pesticides c’est que cela leur permet de baisser leurs coûts de production : cela coûte moins cher d’utiliser un herbicide que de passer la bineuse dans les champs ! Avec les prix plus élevés de l’agriculture biologique, les agriculteurs peuvent couvrir des charges de mécanisation plus élevées. Mais plus largement, il est in- dispensable de sortir de la course au dumping dans laquelle on les a mis depuis de la réforme de 1992 en les connectant avec les prix internationaux des moins disant sur le plan social et environnemental. Cela suppose notamment d’interdire toutes les importations qui ne respectent pas nos standards européens : c’est un des points discutés actuellement dans les trilogues de la PAC.
Deuxièmement, se passer des pesticides nécessite de renverser la logique de spécialisation à l’œuvre dans les différentes régions européennes : réduire la sur- production dans les régions trop spécialisées et remettre de l’élevage partout sur le territoire est le meilleur moyen de tirer parti de la complémentarité écologique entre les cultures et l’élevage. A l’heure où les vertus de l’économie circulaire sont bien en avant, il est temps de retrouver celles de la polyculture-élevage! Cela suppose du volontarisme et une politique agricole plus dirigiste en matière de production animale. Grâce aux quotas de pêche, l’UE a une politique efficace en matière de protection de la ressource halieutique, il faut s’inspirer de cela pour l’élevage. De manière générale, on voit bien que le logiciel néolibéral est en échec complet sur la question environnementale, la réussite du Green Deal passe par notre capacité collective à changer de logiciel.