Les pays de l’Union doivent concrètement se rassembler autour d’ambitions communes en intelligence artificielle. La France, comme tous les autres pays, ne peut pas espérer être concurrentielle seule dans son coin, et ce pour trois raisons. Il faut des moyens financiers conséquents que seule l’Europe peut fournir, il faut de nombreux talents divers, et enfin il faut des jeux de données conséquents. Comme pour le RGPD, l’Europe va être l’une des premières zones du monde à réguler les algorithmes d’intelligence artificielle. L’Europe doit réussir le pari brillant, comme elle l’a fait pour le RGPD, d’autoriser en encadrant fermement, dans le but de protéger les libertés fondamentales tout en encourageant l’innovation.
Comme je l’explique dans mon livre, la régulation des pratiques de développement, de tests et d’usages des algorithmes est aujourd’hui incontournable si on souhaite garantir un respect des libertés fondamentales ou encore de la santé du débat démocratique. L’Europe est en cela innovante en mettant le sujet sur la table et en avançant sérieusement. L’Europe doit aussi être actrice de cette révolution algorithmique en investissant massivement dans de grands programmes de recherche et de développement, mais aussi en créant pourquoi pas des collaborations avec d’autres nations du monde comme le Canada ou les USA sur des sujets précis.
Nous avons d’excellentes formations en Europe et en France en particulier. Dire le contraire serait faux. Cela étant dit, nos universités et nos écoles en France ne bénéficient surement pas du rayonnement qu’elles méritent. Avant je pensais que c’était une question de taille. Mais en réalité pas uniquement, il suffit de regarder le MIT qui a une taille proche de nos grandes Universités françaises. J’ai réalisé il y a quelques années que la différence entre les Universités (et écoles) françaises et celles américaines était aussi dans leur manière de construire leur réputation. Alors qu’en France les institutions d’études supérieures construisent leur réputation sur l’enseignement, ces mêmes institutions aux USA construisent leur réputation sur leur recherche. Ce changement de paradigme transforme profondément comment les étudiants et les citoyens perçoivent ces instituts et le rôle de la recherche dans la société. Le rayonnement est alors plus large pour les universités américaines car la recherche par nature est globale.
C’est un sujet complexe technologiquement. Détecter de manière (semi) automatique une fake news n’est pas chose aisée. Cela étant dit, on peut écarter d’autres phénomènes qui encouragent la propagation de fake news, comme l’effet bulle ou la mise en avant automatique de contenus partagés massivement sur des temps courts. Pour cela, il faut tester de manière poussée les algorithmes en cours d’utilisation pour pré-détecter des signes de création de bulles rigides et agir en conséquence. Les plateformes vont devoir également changer leur modèle économique pour qu’il ne s’appuie pas principalement sur la consommation accélérée de contenus.
Je reste confiante en nos sociétés dans lesquelles la liberté des citoyens reste un pilier majeur de construction sociale et économique du pays. Cela étant dit, cela se fera par un encadrement juridique intelligent et pragmatique, une formation de tous les citoyens et des projets ambitieux technologiquement, scientifiquement et humainement, pour les nations.